IV) 2) Cas du Burkina Faso

Publié le par Morgane

 

-2- Cas du Burkina Faso


a) Les projets en cours au Burkina


Etat de la culture de la pomme de terre dans la province de Tapoa


Les résultats présentés dans ce compte-rendu découlent des visites effectuées à Tansarga, Tambaga-Fouani, Boudiéri et Boulel, où nous avons rencontrés des groupements de producteurs.


Ces 4 sites sont représentatifs de la province de Tapoa :

  • Boudiéri : LE principal site de production de pommes de terre de la Tapoa

  • Tansarga : petite zone de production où la pomme de terre est cultivée depuis 2004 (1ers essais mis en place par ASF)

  • Fouani et Boulel : 2 zones où des essais gratuits ont été mis en place en 2006 mais où la pomme de terre n’a pas été produite en 2007 malgré la volonté de recommencer des agriculteurs (manque de liquidité les empêchant d’acheter les caisses de semences)

 

Périmètre maraîcher, province de la Tapoa, Burkina Faso


La pomme de terre a longtemps été considérée comme un met de luxe réservé aux catégories socioprofessionnelles les plus aisées (fonctionnaires, commerçants). Mais depuis quelques années sa réintroduction dans la province de Tapoa grâce aux efforts conjugués de l’association Solidarité Rurale Burkina-Faso/Morbihan (SRBFM), de l’ONG Agro Sans-Frontière Bretagne (ASF) et de la Fédération des Professionnels Agricoles du Burkina (FEPAB) a permis de démocratiser cet aliment et de développer l’intérêt que lui porte la population.

En 2007 la SRBFM a fourni 138 caisses de 25 kg de semences Claustar et Sahel aux agriculteurs de la province dont 128 sur les sites de Kantchari et Boudiéri. La production obtenue à la fin de la campagne à partir de ces 138 caisses de semences est de 40.7 tonnes, avec un rendement moyen de 245 kg/caisse, ce qui est relativement faible.

Si la bonne organisation des maraîchers en groupements voire en unions et la qualité des sols de la province de Tapoa sont à noter, certains problèmes limitent la production de pomme de terre.


Les problèmes rencontrés qui limitent la production de pomme de terre :


  • Acquisition de la semence de pomme de terre :

Bien souvent, les semences importées d’Europe arrivent tardivement, elles ne sont disponibles qu’en novembre voire décembre alors que le début des plantations devrait être effectif dès le mois d’octobre pour que les cultures ne souffrent pas trop de la saison sèche.

De plus, les agriculteurs devant payer les caisses de semence comptant (aucun système de microcrédit n’étant mis en place) soit ils peuvent avancer l’argent pour un nombre de caisses limité et inférieur à leur demande réelle, soit ils se trouvent dans l’incapacité de payer et donc ne cultivent pas la pomme de terre cette année là.


Solutions envisagées :


  • Obtention des semences à crédit, faire en sorte que les agriculteurs n’aient à avancer que 50% du prix de la caisse à l’achat et puissent rembourser les 50% manquant à la récolte (appui de la FEPAB envisageable ? soutien d’une banque ?)

  • Conservation des tubercules de plus petit calibre de la saison précédente afin de les planter en primeur au mois d’octobre, avant l’arrivée des semences européennes.

  • Mauvaise maîtrise des techniques culturales :

Les faibles rendements obtenus dans la province de Tapoa sont en partie le fait d’une mauvaise maîtrise des techniques de culture de la pomme de terre : préparation des planches, semis, arrosage, buttage, fertilisation, rotation…

 

Solutions envisagées :


  • Poursuivre les formations avec l’appui d’ASF ou de la FEPAB

  • Réaliser un guide de vulgarisation de la culture de pomme de terre

  • Dégâts dus aux animaux :

Le grillage coûtant cher, les agriculteurs délimitent leur périmètre maraîcher en construisant des clôtures avec les chaumes de mil. Ces clôtures naturelles sont certes plus économiques mais elles sont plus fragiles et surtout elles obligent les paysans à attendre la fin de la récolte des céréales pour protéger leurs jardins. Ainsi, soit les agriculteurs attendent la mise en place des clôtures avant de planter la pomme de terre (et donc prennent du retard avec les problèmes liés à la sécheresse vus ci-dessus) soit ils subissent les assauts des animaux (moutons, chèvres, ânes, porcs et vaches) qui viennent pâturer dans les jardins et mangent les jeunes pousses.



Solutions envisagées :



  • Utiliser le système des haies vives, en plantant des arbustes épineux ou du jatropha par exemple, plante à la croissance rapide qui éloigne les animaux et dont les graines peuvent être utilisées pour produire du biodiesel (parmi ses nombreuses vertus). Cette solution est la plus longue mais la moins coûteuse et la plus intéressante écologiquement parlant (freine la désertification, limite l’érosion).

  • Mettre en place des clôtures grillagées.



  • Manque d’eau :

De nombreux sites sont aménagés à côté de barrages et certains comme Boudiéri bénéficient d’un système d’irrigation par canaux. Mais la plupart des sites sont dépendants de la création de puisards où de puits pour que le maraîchage soit envisageable. Or bien souvent même ces structures se tarissent avant la fin de la campagne maraîchère.


Solutions envisagées :


  • La construction de puits suffisamment profonds pour que l’eau soit disponible jusqu’à la fin du mois d’avril doit être envisagée

  • Les puisards doivent être bétonnés pour éviter leur effondrement après chaque saison des pluies (leur reconstruction occasionne une perte de temps et d’énergie)

  • Poursuivre la construction de gabions, sortes de barrages en pierre qui ralentissent le ruissellement de l’eau de la saison des pluies et permettent d’alimenter la nappe phréatique



 

Gabion, province de la Tapoa, Burkina Faso



  • Manque de matériel agricole :

De nombreux groupements aimeraient posséder une charrette pour faciliter l’acheminement de leurs récoltes dans les villes voisines ou une motopompe pour faciliter l’arrosage de leurs parcelles. Ce type de matériel représente un investissement conséquent, mais parfois même le petit matériel (arrosoirs, dabas, pelles, seaux…) fait défaut et limite l’exploitation du périmètre maraîcher.


  • Maladies :

Etant arrivée début avril dans la province de la Tapoa, je n’ai pas pu constater la nature et l’ampleur des problèmes parasitaires, la pomme de terre cultivée sur les différents sites étant déjà récoltée. Il ressort de l’étude que les maraîchers ne savent pas reconnaître les maladies qui attaquent leurs parcelles et ne connaissent pas les moyens de lutte appropriés. En cas d’attaque soit ils utilisent des produits chimiques inadaptés (produits phytosanitaires pour coton, etc…), soit ils recouvrent leur parcelle de cendre, soit ils arrachent les pieds malades.


Solutions envisagées :


  • Former les agriculteurs à la détection et à la reconnaissance des maladies et aux méthodes de lutte

  • Développer la lutte biologique préventive (utilisation d’huile de neem par exemple)



  • Conservation :

Les producteurs ne possèdent pas de locaux où entreposer leurs pommes de terre destinées à la consommation. En 2006 ASF et la SRBFM ont lancé la construction d’un magasin de conservation des semences à Boudiéri qui est achevé à ce jour, mais dont la taille ne permet pas de conserver l’ensemble des semences de 60 cultivateurs de pomme de terre de la zone.



 

Intérieur du magasin de conservation de Boudiéri, Burkina Faso


Les producteurs stockent donc leur récolte chez eux, à même le sol où dans les boites de semences… et la pourriture qui touche essentiellement les tubercules de plus gros calibre entraîne la perte d’1/3 de la récolte (voire plus) chaque année. Les producteurs sont donc obligés d’écouler leur stock le plus rapidement possible, ce qui les empêche de commercialiser leur production de mai à août au moment où l’offre est quasi inexistante et où les prix de vente sont élevés (jusqu’à 800 CFA/kg).


Solutions envisagées :


  • Optimiser l’utilisation du magasin de conservation de semences de Boudiéri (système d’étagères pour utiliser tout l’espace…)

  • Construire de nouveaux locaux de stockage dans les différents départements

  • Former les agriculteurs aux techniques de conservation


  • La commercialisation :

Les agriculteurs arrivent à écouler leur production en moins de 3 mois, cependant la majorité des ventes se fait au détail (bord-champ, sur les marchés où au porte –à-porte à vélo) et de manière individuelle, ce qui traduit un manque d’organisation des producteurs.

La pomme de terre de la province de Tapoa est essentiellement vendue régionalement (à Diapaga, Kantchari, Fada N’Gourma), mais aussi nationalement (à Ouagadougou) et sous-régionalement (à Niamey, dans le Nord du Bénin). Les prix de vente vont de 175 à 400 CFA/kg.


Solutions à envisager :


  • Créer un stand permanent des producteurs de pomme de terre sur le marché de Diapaga

  • Démarcher des acheteurs au Burkina Faso pour de la vente en gros ou demi-gros

  • Mieux valoriser la localisation transfrontalière de la province de Tapoa en démarchant des acheteurs dans la sous-région (au Niger, au Bénin et au Togo)


Etat de la culture de la pomme de terre dans la région de Ouahigouya


La province de Yatenga au Nord du Burkina Faso est la zone où l’on trouve la plus forte production de pommes de terre du pays. On y rencontre des périmètres maraîchers immenses en bord de fleuve, irrigués gravitairement où à l’aide de motopompes.


 

Périmètre maraîcher en bord de fleuve, région de Ouahigouya, Burkina Faso


Ces périmètres maraîchers s’agrandissent d’année en année mais sans tenir compte des ressources en eau, ce qui pose parfois problème. A Ninigui par exemple l’agrandissement du site cultivé n’a pas tenu compte de la capacité du fleuve en saison sèche et des problèmes de manque d’eau pour l’irrigation se posaient déjà mi-mars. Cette mauvaise gestion des ressources en eau par les agriculteurs a un impact sur les éleveurs qui amènent habituellement leurs troupeaux à ce point d’eau.


Les paysans bénéficient du soutien de la Fédération Nationale des Groupements Naam pour l’approvisionnement en semences européennes et en produits phytosanitaires et sont bien encadrés. En effet, la plupart des agriculteurs sont affiliés à cette organisation de producteurs. Les rendements sont bons, les travaux de vulgarisation qui existent depuis plus de 10 ans ont porté leurs fruits et les techniques culturales sont généralement bien maîtrisées par les agriculteurs.

Cependant, la reconduction de cultures de solanacées sur les mêmes parcelles chaque année a entraîné une forte pression parasitaire, et la lutte contre les ravageurs est le principal problème auquel sont confrontés les producteurs maraîchers. Heureusement, certains sites en bord de fleuve sont inondés au moment de la saison des pluies et la riziculture y est alors pratiquée, ce qui limite le développement des maladies.


En absence de chambres froides, la conservation pose problème comme dans le reste du pays. Cependant certains sites comme Goinré sont équipés de magasins de conservation souterrains, spécificité de la région. Les pommes de terres sont entreposées dans ces caves où la température avoisine les 20°C, ce qui limite les pertes. La commercialisation dans cette zone transfrontalière ne pose pas de problème, la demande est forte (nombreux hôtels et restaurants qui nourrissent les touristes venus visiter le pays dogon tout proche).



Etat de la culture de la pomme de terre dans la région de Bobo Dioulasso


Située au Sud Ouest du Burkina, cette région est la deuxième zone de production de pommes de terre du pays après Ouahigouya. Ici le problème de l’accès aux semences de pommes de terre a entraîné une forte chute de la production au profit du coton.


Ouahigouya et le groupement Naam étant loin, la plupart des paysans se fournissent en semences auprès de la Sikassoise, à Sikasso au Mali.



Je me suis rendue sur le site de Karankasso à 55 km au Nord Ouest de Bobodioulasso en compagnie de M. Irénée Somda afin d’observer les essais variétaux menés depuis 1998 avec ASF. Nous avons traversé des champs de coton avant de rencontrer une parcelle plutôt mal en point où 10 variétés étaient testées : Aïda, Pamina, Odessa, Atlas, Claustar, Péneloppe, Daisy, Daïfla, Apolline et Sahel. J’ai quitté le Burkina trop tôt pour obtenir les résultats de ces tests.


 

Site expérimental de Karankasso, Burkina Faso


NB : les mêmes tests ont été effectués dans la région de Ouahigouya et suivis par M. Hubert Badiel de la FNGN.


b) Proposition de nouveaux partenariats


Production de pomme de terre dans la province du Noumbiel


Au cours de mon séjour à Ouagadougou j’ai eu l’occasion de rencontrer M. Eloi Nombre, agriculteur à Batié, ville de la province du Noumbiel. Située au Sud-Ouest du Burkina, cette région est une zone transfrontalière avec le Ghana et la Côte d’Ivoire (pas de problème pour l’écoulement de la production).


Comptable de formation mais passionné d'agriculture, Eloi Nombre a décidé de retourner à la terre à la fin de ses études, il y a 15 ans. Il a commencé la production maraîchère sur des parcelles près du barrage, et y a introduit les cultures de poivrons, de persil, d'aubergines, de pomme de terre (grand succès) jusque là inconnues des autres agriculteurs.


En 2004 il abandonne les parcelles autour du barrage dont il n'était pas propriétaire et s'installe en brousse au bord d'une rivière (plus de problèmes d'eau). Mais en septembre 2007, la découverte d'un site orifère à 2 km de son champ entraîne l'arrivée de 2500 personnes... et l’assèchement de la rivière ! Une perte financière catastrophique pour lui qui venait d’agrandir son périmètre maraîcher.


Désormais ses espoirs résident dans un projet de maîtrise de l'eau (forage à haut débit à motricité solaire) permettant d’irriguer toute l'année une surface maraîchère de 6 à 10 ha à Batié (objectif : 3 à 4 récoltes/an). Ce projet, qui coûte 102 millions de CFA, vient d'obtenir l'aval du ministère de l'agriculture et devrait recevoir un financement de la facilité africaine de l'eau (programme de la banque africaine de développement).


Ce projet a été initié en 2006 au nom de l'association "Jeunesse espoir pour la promotion agropastorale au Burkina Faso", dont Eloi est le président.  Il est également président de l'Union provinciale et départementale des professionnels agricoles du Noumbiel et a été pendant de nombreuses années membre du CA et du bureau exécutif de la FEPAB. C'est également un des membres fondateurs de la Confédération paysanne du Faso.


Les attentes vis-à-vis d’ASF :

  • approvisionnement en semences maraîchères et particulièrement en semences de pomme de terre

  • appui/conseil sur les techniques culturales et la conservation


Publié dans Le projet

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P
Bonjour,Je me présente en deux mots, je suis en licence pro "ingénierie de projets de solidarité internationale" à Bdx. Je pars dans 3 semaines en stage au Burkina dans la région de Gulmu. Je vais accompagner des groupements de femmes pour concevoir un projet de culture maraichere. Je suis tombée sur ton blog (très intéressant) par hasard en cherchant de la biblio sur le sujet. Comme tu es dans le domaine, aurais-tu des biblio sur des livres ou site internet intéresant traitant des culture maraichere au Burkina et plus largement en Afrique de l'Ouest?Merci et bon séjourPauline
Répondre
M
<br /> Bonjour Pauline,<br /> <br /> excuse moi de cette réponse tardive, je ne consulte pas régulièrement les commentaires sur mon blog... tu as certainement du finir ton stage au Burkina a l'heure qu'il est... comment c'est-il passé<br /> ? as tu de la bibliographie sur le maraîchage à conseiller aux autres internautes ?<br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> Morgane<br /> <br /> <br />